Extradition


1. Notion

L’extradition consiste en la remise par la contrainte d’une personne recherchée à l’Etat requérant par l’Etat requis à des fins de poursuite pénale (1) ou d'exécution d'une peine (2).

  1. Les autorités chargées de l’instruction enquêtent sur une personne en raison de divers délits économiques. Cette personne ne se présentant pas à l’audition, son signalement est diffusé en Suisse en vue de son arrestation; une demande de recherche est également envoyée à l'étranger. Si ladite personne est arrêtée à l’étranger, il est possible de demander son extradition afin que l’enquête pénale puisse être menée à terme et que la personne soit tenue de répondre de ses infractions devant un tribunal.
     
  2. Un trafiquant de drogue condamné à une peine privative de liberté de plusieurs années s'évade du pénitencier. Il est alors recherché en Suisse et à l’étranger. S’il est arrêté à l’étranger, la Suisse peut présenter une demande d’extradition pour qu’il purge le reste de sa peine.

Il convient de distinguer l’extradition de l’expulsion et, si l’étranger expulsé ne se soumet pas à l’obligation de quitter le pays, du refoulement par la contrainte. Cette mesure de police des étrangers est ordonnée dans l’intérêt de la sécurité du pays de résidence, indépendamment d’une quelconque requête d’un Etat tiers.

2. Procédure d’extradition en Suisse

Recherche et arrestation

Un cas d’extradition débute en général par une demande de recherche, sous la forme d'un signalement enregistré dans le Système d’information Schengen (SIS), émanant d’un bureau central national d’Interpol ou directement d’un ministère de la justice étranger. L’Office fédéral de la justice (OFJ, Unité Extraditions) examine si la demande comporte toutes les données nécessaires et si l’extradition est envisageable. Lorsque le lieu de séjour en Suisse de la personne recherchée est connu, l’OFJ ordonne directement au commandement de la police compétent de procéder à son arrestation. Si son lieu de séjour est inconnu, l'OFJ peut faire inscrire la personne recherchée dans le système automatique de recherche RIPOL en vue de son arrestation (à moins qu’elle ne soit déjà enregistrée dans le SIS).

Lors de l’arrestation, les moyens de preuve et, le cas échéant, les objets de valeur provenant de l’infraction sont saisis. Les autorités cantonales informent aussitôt l’OFJ de l'arrestation et des éventuels objets saisis. Elles procèdent, au nom de celui-ci, à une audition de la personne qu’elles ont arrêtée au sujet de la demande de recherche de l’Etat étranger et l’informent de son droit de prendre contact avec le consulat de son Etat d’origine et de désigner un défenseur de son choix.

Si, lors de l’audition, la personne recherchée se déclare d’accord pour être extradée sans délai, l’extradition est exécutée selon une procédure simplifiée. L’OFJ peut dans ce cas autoriser l’extradition et en ordonner l’exécution. Une procédure simplifiée peut être réglée en quelques jours.

Procédure d’extradition ordinaire

Si la personne recherchée s’oppose à son extradition, l’OFJ décerne généralement un mandat d’arrêt aux fins d’extradition et enjoint à l’Etat requérant de lui présenter une demande formelle. Sauf disposition conventionnelle contraire, l’Etat requérant dispose de 18 jours pour présenter cette demande à l’OFJ. Ce délai peut être étendu à 40 jours. Lorsque la demande formelle parvient à l’OFJ dans les temps, la personne recherchée reste en détention jusqu’à la fin de la procédure d’extradition. Cette réglementation permet à la Suisse de s'acquitter de ses engagements en matière d'entraide judiciaire internationale. Si la demande formelle n'arrive pas à temps, la personne est libérée.

Sur demande de l’OFJ, l'autorité cantonale compétente notifie à la personne recherchée le mandat d’arrêt aux fins d’extradition et procède à son audition. La personne recherchée peut recourir au Tribunal pénal fédéral contre le mandat d’arrêt; la décision du Tribunal pénal fédéral peut faire l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral aussi bien de la part de la personne recherchée que de celle de l'OFJ. La personne recherchée peut aussi déposer une demande de mise en liberté pendant toute la durée de la procédure d'extradition.

Sur la base de l’audition et d’une éventuelle prise de position de l’avocat de la personne recherchée, l’OFJ décide en première instance de l’extradition. Il examine si les conditions formelles et matérielles de celle-ci sont remplies et, en particulier, si les faits reprochés dans la demande sont également punissables en vertu de la législation suisse. Les questions relatives à la culpabilité et aux faits ne sont en revanche pas examinées durant la procédure d’extradition. En d’autres termes, l’OFJ ne vérifie pas si la personne recherchée a réellement commis les infractions de la requête.

La personne recherchée dispose d’un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision d’extradition pour adresser un recours au Tribunal pénal fédéral. Celui-ci statue sur le recours suite à la prise de position de l’OFJ. Lorsqu’il s’agit d’un "cas particulièrement important", et notamment lorsqu’on peut supposer que la procédure à l’étranger comporte des vices graves, la décision du Tribunal pénal fédéral peut être attaquée par voie de recours au Tribunal fédéral.

Exécution

Lorsque la décision d’extradition est exécutoire ou si la personne recherchée n’a pas annoncé dans les cinq jours suivant la notification de la décision son intention de faire recours, l’OFJ ordonne l’exécution de l’extradition. Si l’Etat requérant est un pays limitrophe, la remise de la personne à extrader s’opère généralement à la frontière ; vers les autres pays, elle s’effectue par voie aérienne. Les moyens de preuve et objets de valeur provenant de l’infraction sont transmis en même temps.

La procédure ordinaire peut durer plus d'une année, notamment dans les cas complexes et si toutes les voies de recours sont saisies.

3. Demandes d’extradition présentées par la Suisse

L’OFJ (Unité Extraditions) établit les demandes de recherche émises par la Suisse sur requête d’une autorité cantonale ou fédérale de poursuite pénale ou d’exécution des peines. Il transmet ces demandes via le SIS ou par l’intermédiaire d’Interpol. Lorsque le lieu de séjour de la personne est connu ou présumé, il peut adresser directement la demande de recherche à l’Etat de séjour.

Une fois la personne recherchée arrêtée, l’OFJ doit présenter la demande formelle d’extradition à l’Etat requis dans le délai prévu. La demande contient, selon les dispositions conventionnelles, des indications sur la personne recherchée, un mandat d’arrêt ou un jugement entré en force et exécutoire, les dispositions pénales applicables, les éventuels moyens de preuve et une traduction des documents. L’OFJ conseille les autorités suisses compétentes dans la préparation des documents.

A l’étranger, la procédure d’extradition est régie par la législation interne. Contrairement à la Suisse, peu de pays connaissent la procédure simplifiée.

4. Principes de l’extradition

La procédure d’extradition suisse est régie par la loi fédérale sur l’entraide internationale en matière pénale (EIMP). Cette loi permet également de procéder à une extradition en l’absence d’engagement conventionnel. La coopération avec les Etats européens et de très nombreux Etats non européens repose largement sur la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 et sur des traités d’extradition bilatéraux. Ces accords obligent les Etats à extrader si les conditions de l’extradition sont remplies. La gravité de l’infraction en est l’une des principales. La Convention européenne prévoit par ex. une extradition lorsque l’infraction est passible d’une peine privative de liberté d’au moins un an. Il faut aussi que les actes imputés à l’auteur soient punissables dans les deux Etats (principe de la double punissabilité). Il n’est en revanche pas nécessaire que la qualification juridique de l’infraction soit identique dans les deux Etats; la notion de "vol" à l’étranger peut par ex. correspondre à un "abus de confiance" d’après le droit suisse.

Conformément au principe de la spécialité, la personne extradée ne peut être poursuivie, maintenue en détention ou livrée à un Etat tiers que pour les actes mentionnés dans la demande d’extradition. Après l’extradition, l’Etat requis peut cependant autoriser une extension de la poursuite pénale sur la base d’une demande complémentaire. Dans certains Etats, la personne recherchée peut en outre renoncer au principe de la spécialité.

Lorsque plusieurs Etats recherchent une même personne, l’extradition est accordée à chacun d’eux, dans la mesure où les conditions requises sont remplies. Les traités d’extradition ne règlent pas dans le détail la question de savoir vers quel Etat la personne doit être extradée en premier. L’Etat requis tient compte de la gravité des infractions, du lieu où elles ont été commises, de l’ordre chronologique des demandes et de la possibilité d’une extradition ultérieure à un autre Etat. Le pays d’origine n’est pas prioritaire s’il n’extrade pas ses propres ressortissants.

5. Refus de l’extradition

La Suisse n’accorde pas l’extradition pour des infractions politiques (par ex. adhésion à un parti interdit). Ne sont notamment pas considérés comme tels les crimes contre l’humanité, les détournements d’avion et les prises d’otages. Si la personne recherchée fait valoir qu’elle est persécutée pour des raisons politiques, le Tribunal pénal fédéral statue en première instance, sur requête de l’OFJ, sur l’objection d’infraction politique. La compétence est la même lorsqu’on peut supposer, lors du traitement de la demande d’extradition, que la poursuite pénale n’est qu’un prétexte pour pouvoir persécuter la personne recherchée pour des motifs politiques.

L’extradition est également refusée lorsque la procédure à l’étranger est contraire aux principes de la Convention européenne des droits de l’homme ou qu’elle vise à poursuivre ou à punir une personne en raison de ses opinions politiques, de son appartenance à un groupe social déterminé, de son ethnie, de sa religion ou de sa nationalité. Il ne suffit toutefois pas que la personne recherchée affirme être menacée dans l’Etat requérant en raison d’une situation générale précaire au plan des droits de l’homme. Elle doit montrer, au contraire, qu’une peine ou un traitement inhumain ou dégradant la menace concrètement en cas d’extradition. S’il existe un risque résiduel, aussi minime soit-il, d’atteinte aux droits fondamentaux de la personne recherchée, l’OFJ exige des garanties effectives et vérifiables de l’Etat requérant (par ex. l’autorisation de visites de prison surprises et l’observation de la procédure pénale par la représentation suisse).

Bien que l’hypothèse d’une persécution politique soit déjà examinée au cours de la procédure d’extradition, les autorités compétentes en matière d’asile statuent également séparément dans le cas d’une éventuelle demande d’asile. Une extradition de la personne recherchée vers son pays d’origine n’est autorisée que sous réserve que la décision passée en force concernant une demande d’asile soit négative. Dans certains cas, l’accès au Tribunal fédéral est ouvert pendant la procédure d’asile pour que des procédures d’asile et d’extradition parallèles puissent être menées conjointement à ce niveau et pour éviter que des décisions contradictoires ne soient prises.

Les infractions militaires sont aussi exclues de l’extradition. Constituent notamment des infractions militaires le refus d’obéissance ou la désertion. En revanche, une infraction de droit commun (par ex. un viol) commise par un militaire n’est pas considérée comme une infraction militaire.

L’extradition n’est accordée pour des infractions fiscales que dans les cas particulièrement graves. Dans le cadre de Schengen, l’extradition est en outre prévue en cas d’infraction dans le domaine des impôts à la consommation, de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes douanières. Il n’y a pas infraction fiscale, en revanche, lorsque par ex. des escrocs aux subventions allèguent des faits mensongers pour obtenir des autorités fiscales des moyens auxquels ils n’ont pas droit.

A l’instar de beaucoup d’autres Etats, la Suisse se réserve le droit de refuser l’extradition de ses propres ressortissants. Pour éviter, dans pareils cas, que la poursuite pénale soit lacunaire, l’Etat requérant peut la déléguer à l’Etat d’origine (voir page "Délégation de la poursuite pénale").

Lorsqu’une procédure pénale est pendante pour la même infraction dans l’Etat requis, elle a en général la priorité sur l’extradition. L’extradition est également exclue pour les infractions ayant déjà fait l’objet d’une condamnation dans l’Etat requis (principe "ne bis in idem"). Enfin, lorsque l’infraction est prescrite dans l’Etat requis, l’extradition en vue d’une poursuite pénale ou de l’exécution d’une peine est accordée uniquement lorsqu’un traité international le prévoit.

6. Procédure d’extradition en Suisse: schéma

Procédure d’extradition en Suisse

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Dernière modification 31.01.2023

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